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Délit de songe

Délit de songe
Le texte à pirater.
Le zine à brûler.

« Personne ne sait », murmure Atom de Seth dans la ville intacte, « personne ne sait que là-bas tombe en poussière sous le coup des bombes ? » « N’est-ce pas ici être complice ? Car si nous le savions », se dit-il à voix si basse qu’il peut à peine s’entendre, « si nous le savions vraiment, l’activité de cette ville serait interrompue. Détruite à sa manière, car plus personne ne travaillerait, ni ne consentirait aux anesthésies. Rien ne pourrait continuer comme avant », des hommes en armes et masqués courent après une vieille femme, « comme si de rien n’était », dit-il avant d’être renversé sur le sol.

Quelqu’un l’aide à se relever, « je vous remercie », dit-il, « mais où est cette vieille femme qui tentait d’échapper à la meute policière ? » — « oh », lui répond l’homme jamais blanc, « elle sera arrêtée pour délit de songe » — « délit de songe ? » — « oui, c’est l’expression employée pour parler des rêves qui ne sont pas autorisés par Dog/MatiK, la société offshore qui dirige le pays depuis la chute de la République des Derniers Hommes. On appelle désormais “songe” tout rêve illicite. Ce qui, vous en conviendrez, accorde à celui-ci une puissance inespérée » — « Que voulez-vous dire ? » — « Que voici le songe débarrassé d’une serrure » — « Pourtant, je pense à cette vieille femme, que va-t-il lui arriver… » — « Ils tenteront de lui faire savoir ce qu’elle encourt. Mais c’est en pure perte. On ne démord pas de la liberté après sa prise de sang. »

Atom était content d’avoir rencontré un surréaliste. Et il s’en voulait d’avoir regretté l’inaction des citadins. « Complicité, ce nom nouveau du péché originel. Plutôt nous manque l’appel à notre part pleine de brume. Notre couleur Solaris », se rappelle Atom en allant vers la gare, en rectifiant : « personne ne sait ce que ce monde devient, les forces malfaisantes voient leurs yeux fondre lentement, percés à jour par leurs propres lames, par la proximité avec l’engin qui ment. Nous-autres pulsons, intermittents. »

La gare en est presque déserte, depuis que la plupart des trains effectuent des trajets désespérément courbes. Mais certaines voyageuses savent se confier aux locomotives imprévues, n’indiquant leur destination qu’à demi, par énigme, comme : « Trou-du-Sens », « Choisi-Sur-Noise » ou « Grotte-les-Étoiles ». Atom ressent cet abandon — être remis entre les mains de Personne — comme antigravité. « Ah ! Ne pas savoir, ne pas savoir, c’est là où je peux dire quelque chose de vrai ! », s’exclame-t-il lorsque le train part.